Qu’en est-il de Joseph Carles ?
Joseph,
quant à lui, participe dès septembre 1914 aux opérations d’Alsace et de Lorraine.
Son régiment est transporté en train de Carcassonne à Belfort le 14 août.
Le 19 août, baptême du feu à Didenheim. 5 tués, 22 blessés, 11 disparus.
Le 22 septembre le 5e bataillon du 343eRI est engagé dans une attaque de positions allemandes à Lesseux-Herbaupaire. (19 tués, 31 blessés).
Le 24, 4 compagnies du 343e se précipitent, baïonnette haute,
sur Lesseux sous les ordres du Lieutenant-colonel Prud’homme et finissent par occuper le village malgré de sévères pertes (43 tués, 135 blessés).
Le 25 à 16h, l’attaque est reprise par les 4 compagnies appuyées par l’artillerie
et les chasseurs pour déloger les allemands des tranchées au nord de Lesseux.
Les allemands sont pris ou cloués dans leurs ouvrages par nos baïonnettes.
Nouvelle victoire mais avec 22 tués et 111 blessés.
Les 26 et 27 septembre, les français consolident leurs positions mais les bombardements de représailles des ennemis font 13 tués et 23 blessés.
Pendant tout l’hiver et jusqu’au printemps 1915,
le 343e maintient et organise ses positions dans cette région des Vosges
tout en subissant régulièrement des bombardements ennemis.
Le 9 avril, jour où son frère est tué sur le front d’Argonne du coté de Verdun,
Joseph est plutôt au calme.
Il apprend seulement que son colonel, le colonel Prud’homme,
est remplacé par le lieutenant-colonel Clouscard qui prend le commandement du 343è RI.
Le régiment connaît ensuite une longue période de stabilisation dans les tranchées de la région de Violu….






Mes recherches n’ont pas encore abouti …
Je les poursuis en écrivant aux associations qui s’intéressent au sort des poilus de la Grande Guerre.
J’écris :
Bonjour
Joseph, Jean Carles né à Saissac (Aude) le 26 mars 1885 décédé le10 octobre 1971 à Carcassonne, a fait toute la guerre du 4 août 1914 au 5 mars 1918.
(Il en est revenu gazé et presque aveugle. Il finira sa vie totalement aveugle).
Incorporé à Carcassonne au 343ème Régiment d’infanterie de réserve sous le matricule 09371 a participé au combats de son régiment en Alsace et dans les Vosges jusqu’au 22 mai 1916 date à laquelle son régiment a été dissous. Il devait se trouver à Violu. Là, je perds sa trace.
A partir de la dissolution du 343ème RI, je n’arrive pas à savoir s’il appartenait au :
- 5ème bataillon du 343ème qui a été transféré au 3ème bataillon du 215ème RI*
- 6ème bataillon du 343ème qui a été transféré au 253ème RI.
Ce soldat est rentré dans ses foyers avec :
Une citation à l’ordre de la VIIIème armée signée par le général Gérard :
« Soldat Joseph Jean Carles de la Cie 7/52 du 7ème bataillon du génie,
Sapeur du plus grand sang-froid et du plus grand courage
A l’attaque des tranchées ennemies, a pénétré le premier dans un
abri et y a capturé une douzaine de prisonniers »
Q.G. le 3 mars 1918
Signé Le Général Gérard commandant la VIIIème armée
- Son tableau des médailles (6 en tout) :
Maladie contractée en service commandé le 22 mai 1918
2 fois cité à l’Ordre de l’Armée et de la Brigade
A fait toute la campagne »
- Deux photos du soldat Joseph Carles dont une en groupe.
- Divers objets rapportés de sa guerre.
Pourriez-vous m’assister dans la poursuite de la campagne de ce soldat en m’aidant à retrouver :
- Dans quel bataillon il se trouvait au 343ème RI : 5ème ou 6ème
- Si, en juin 1916, il a été transféré au 215ème RI ou au 253ème RI et dans quel bataillon.
Cordialement
Serge Carles
N.B. Son frère, Firmin Carles, du 42ème Régiment d’Infanterie Coloniale a été tué à Vauquois le 9 avril 1915.
Il me semble que sur le tableau des médailles de Joseph Carles il y en a concernant son frère Firmin.
En novembre 1918, rendu à la vie civile, Joseph Carles redevenu le berger,
l’ouvrier agricole, le brassier, reprendra, alors que les gaz de combats en ont fait un homme presque aveugle,
sa modeste vie dans la maison de Saissac qu’occupent désormais,
seuls, ses parents vieillissants rongés par la douleur d’avoir perdu un fils à la guerre
et celle de ne plus revoir leur petite fille Marie -Joséphine emmenée par sa mère à Montolieu.
Heureusement, il y a Petit Paul qui a maintenant 16 ans, qui habite Carcassonne et qui vient les voir de temps en temps.
Arrive le Noël de l’année 1918.
Pour redonner un peu de vie au foyer et ramener la joie dans la famille,
Joseph, encore auréolé de sa réputation de poilu victorieux, a épousé une jeune fille du pays, Margot Bonafous.
Il deviendra le « Gendrou » pour les gens du village.
Margot
En 1920, une fillette nait de cette union, Marinette.
L’enfant apporte la joie qui manque à la maisonnée.
Les Noëls de 1921, 22, 23 sont des Noëls heureux où l’on s’efforce d’oublier le malheur
et où l’enfant pousse des cris de joie en découvrant au coin du feu, le matin du 25 décembre,
les nombreux cadeaux confectionnés en cachette par les parents et les grands parents qui recouvrent la paire de sabots neufs que le grand père,
Paul Antoine, devenu sabotier depuis sa retraite au village, lui a fabriqués.
1924, c’est encore un triste Noël que vivra la famille.
L’ainée, Rosalie, la catholique pratiquante
qui a payé une plaque à mettre sur le dossier de sa chaise à l’église de village, mariée à Paul Cals,
décède des suites d’une longue maladie.

1925, les malheurs s’enchainent :
La petite Marinette, la fillette qui donnait tant de joie à ses parents et apportait le bonheur dans la maison,
meurt du « mal bleu » en début d’année.
Elle n’avait pas cinq ans.
Le 25 avril de la même année,
le grand père, Paul-Antoine, celui qui s’était donné tant de mal à installer sa petite famille à Saissac,
au 34 rue d’Autan, quitte ce monde à l’âge de 77 ans, de chagrin peut-être.
Comble de désolation, lui qui aimait tant être entouré,
est enterré seul dans une autre sépulture du cimetière de Saissac
car sa petite-fille tant aimée a été inhumée dans la tombe familiale quelques semaines auparavant.
On ne peut pas, semble-t-il, rouvrir cette sépulture si tôt.
1928, le 5 janvier,
après un triste noël passé avec son fils Joseph et sa belle-fille Margot,
la grand-mère Victorine, dans un dernier soupir, s’en va rejoindre son mari Paul-Antoine
et la plupart de ses enfants déjà décédés : Rosalie, Jeantil Victor, Firmin et Marinette.
Désormais, Joseph et son épouse vont vivre seuls et tristes
dans cette maison trop grande pour eux.
Plus de Noël Joyeux.
Ils se contenteront des rares visites de leur neveu, le petit Paul qui est parti en Algérie en 1928,
est revenu marié avec Angèle Almarchas en 1931, a vécu à Carcassonne avec son épouse et ses cinq enfants
jusqu’à son nouveau départ pour l’Algérie, accompagné de sa nombreuse famille en 1946.
L’indépendance de l’Algérie fera revenir Paul et les siens en métropole,
à Digne en 1962 puis à Carcassonne en 1963.
Joseph, complètement aveugle,
passe depuis des années ses journées assis dans le même fauteuil de bois au coin du feu.
Margot s’occupe de lui jour et nuit.
Il ne descend jamais dans la rue.
Les seuls trajets qu’il effectue sont de se rendre le soir dans sa chambre
et de revenir le matin s’asseoir dans son fauteuil.
1964, Margot la fidèle épouse décède.
Un nouveau malheur touche l’aveugle survivant de la famille Carles de Saissac.
Paul et Angèle le recueillent dans leur maison de Carcassonne où se trouve déjà Elise, la maman de Paul.
La maison n’est pas grande, on les installe tous deux dans la chambre du bas.
La présence des deux garçons de la famille, Serge et Michel,
apporte un fois encore la joie pour ce Noël 1964.
Mais Joseph ne retrouve plus le goût des Noëls d’autrefois à Saissac.
Muré dans son silence et dans le noir, il « mâchonne » sa cigarette éteinte
qu’il garde des heures au bout des lèvres sans penser à demander qu’on la lui rallume.
Parfois il chantonne, des chansons de sa jeunesse ou des chansons paillardes
qu’il "gueulait" à tue tête dans les tranchées avec ses camarades de combat
pour oublier les explosions des bombes et des mines allemandes.
Il demande à retourner vivre à Saissac.
La maison est une fois encore repeuplée par la sœur d’Angèle, Félicie, son mari et leur fille Eliane.
L’oncle Joseph, Le « Gendrou »,
vivra ses dernières années en compagnie de ces braves gens,
allant chaque jour, à tâtons, de son fauteuil au coin du feu à son lit dans sa petite chambre
où le carillon lui indique l’heure, nuit et jour.
Il meurt le 10 octobre 1971 à l’hôpital de Carcassonne avec, à son chevet, son unique héritier, son neveu Paul.
Il sera le dernier à être inhumé dans la terre du cimetière de Saissac.

Paul et ses fils ont réhabilité sommairement dès 1964 la maison du 34, rue d’Autan.
On y vient pendant des années pour les vacances.
Parfois, Paul et Angèle plus très jeunes, accompagnent enfants et petits-enfants pour des séjours à la belle saison.
La nombreuse famille redonne vie à cette vieille maison de Saissac
mais on n’y fête plus Noël depuis que « l’Oncle Joseph » est parti.
A la fin des années 80 on répare le toit, il en avait besoin.
« Petit Paul » le souhaitait mais il est parti le 2 août 1987
sans avoir eu le temps de réaliser ce projet qui le tenait à cœur.
Il s’était attaché à cette maison, à ce village de son enfance et avait communiqué cet attachement à ses enfants.
Pourtant il n’a pas été enterré avec les siens.
A partir des années 90,
la maison de Saissac ne sera plus la maison des Noëls heureux de la famille Carles.
Au contraire, elle pose problème.
Il faut l’entretenir, payer les charges…
Les cinq héritiers n’arrivent pas à s’entendre pour se partager ces frais.
La majorité décide qu’elle sera vendue.
Hélas, personne n’en veut puisque cette vieille maison,
qui demande une fois encore à être réparée,
ne peut avoir qu’une valeur sentimentale pour quelqu’un qui l’a aimée parce qu’il a été touché par l’histoire de ceux qui l’ont reconstruite,
en ont fait leur maison de famille, y ont vécu de merveilleux moments.
Tout ce passé est oublié par la plupart.
Alors, la maison est destinée à être démolie,
à jamais effacée avec l’histoire de sa famille.
Il reste comme seule trace de ces pauvres gens habitants de Saissac
depuis plus d’un siècle, un caveau familial au cimetière du village.
La maison Carles aujourd'hui !
Fin de cette longue histoire de la famille Carles
qui vous aura, je l'espère, passionnée !
Un grand Merci à Serge Carles pour m'avoir permit de vous la transmettre.