Or de couvent à notre connaissance, à Saissac il n'y en a jamais eu.
La question pour nous était de savoir, pourquoi parler de couvent?
Comment se fait-il que l'école actuelle se trouve dans ce que l'on appelle « l'ancien couvent »?
La réponse, nous allions la trouver dans les Archives Communales dont la lecture (ou l'étude)
allait nous permettre de retracer un petit historique étonnant des écoles de Saissac, dans lequel nous verrons s'exprimer, sur le terrain,
l'affrontement entre l'Eglise et la République au XIXe et début du XXeme siècles, (Des premières lois Jules Ferry de 1881 à la Séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1906).
Le « couvent en question » était en réalité une Maison de Charité, tenue par des Soeurs de St Vincent,
qui ont également assuré l'instruction des jeunes filles.
Il semblerait qu'après la victoire des Républicains,
des changements interviennent dans la composition des membres du Bureau de Bienfaisance
(qui était, rappelons-le, le légataire de demoiselle Benazet pour l'établissement qui deviendra la maison de Charité, les fermes de l'Azérou et Carrière).
Moins favorables aux institutions congréganistes, ils commencent à créer quelques ennuis aux organes dirigeants de la Maison de Charité.
Après quelques années de conflit, de procès, le 1er Octobre 1905,
le départ des soeurs est acté.
Le batiment est racheté par la Mairie en 1908 qui y inaugurera la nouvelle école publique le 27 Septembre 1925.
Rarement dans la longue histoire de Saissac,
un conflit interne n'aura duré aussi longtemps, partageant et opposant les habitants mais aussi les membres du Conseil Municipal.
SAISSAC. — Le commencement de la fin. —
Les bonnes Sœurs vont quitter Saissac, emportant avec elles l'estime des braves gens et aussi... les regrets de M. le Maire. Vous ne vous doutiez peut-être pas de ses regrets, amis lecteurs, et vous aviez raison. Seules les pauvres religieuses semblaient avoir foi en la parole de cet homme; quelle naïveté !
La fermeture du Couvent est déjà un malheur; mais vienne l'hiver, que fera M. le Maire, nouvel infirmier laïque remplaçant les infirmières religieuses, lorsque quelque misérable frappé de maladie et allongé sur son lit de douleur, lui fera demander secours et consolation. Installé à la mairie, les pieds devant un bon feu entretenu par les contribuables, on le trouvera rêvant à ce fromage de Hollande après lequel il soupire : à titre de réconfort, il vantera aux malheureux les bienfaits du régime actuel ; autrefois, dira t-il, j aurais dû supporter le froid en cassant des cailloux sur la route ; aujourd'hui, je gagne mon argent à l'abri des intempéries ! Que pouvez-vous désirer quand je suis satisfait !
Mais tout n'a qu'un temps. Déjà, le prestige du maire diminue, et l'amitié d'une « modeste personne ». fût-ce un agent-voyer ne pourra le lui rendre. En effet, le 2 septembre, il va à Carcassonne, dit-il, demander le maintien des Sœurs, et le 3 arrive une dépêche ordonnant leur renvoi. Les mauvaises langues, il est vrai, attribuent le vovage à un tout autre motif. Nous serons bientôt fixés.
Dans sa jeunesse, lorsqu'il pouvait porter en toute liberté la robe de frère, et qu'il n'était pas encore le renégat d'aujourd'hui, le maire enseignait aux enfants que si le présent est à nous, l'avenir est à Dieu : mais votre avenir politique nous appartient M. Limouzi ; nous saurons nous rappeler le mal que vous faites à Saissac, et, à la première occasion, nous nous ferons un plaisir de vous renvoyer dans le néant politique d'où votre passé vous défendait de sortir.
L. E.- L'Express du Midi, 23 septembre 1905