141e REGIMENT D’INFANTERIE - HISTORIQUE PENDANT LA GUERRE 1914-1918
OFFENSIVE DU 3 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE (ARMEE MANGIN)
Le 22 août, la division est relevée. Le 28, le régiment embarqué en camions automobiles arrive dans la région de Villemontoire- Parcy- et-Tigny. Il est mis à la disposition du 20e C.A. en vue d’une attaque générale en direction du fort de la Malmaison. Mais la progression du C.A. de gauche n’ayant pu se faire suivant le plan prévu, la division n’attaque pas et reste sur ses positions.
Le 1er septembre 1918, la division est mise à la disposition du 1er C.A.. Le régiment quitte le jour même la région d’Ecuiry (Aisne) et va cantonner dans la région de TartiersVilliers la Fosse. Le 3 septembre, le régiment est à proximité de la route nationale Soissons-Béthune, près de Torny-Sorny, sur des positions conquises le 2 par la 59e division. Les 1er et 2e bataillons sont en ligne, le 3e bataillon est en réserve dans le ravin de Leury. Devant eux, se profile, plat et nu, le plateau crayeux qui s’étend de Torny à Clamecy, puis s’affaisse doucement à l’est, vers la dépression de Margival et d’où l’on découvre le pays à 20 kilomètres à la ronde. Au-delà, sont les villages de Margival, de Vuillery, puis la puissante croupe de Laffaux avec le village du même nom, puis les champs et bois qui conduisent à l’Ailette. L’ennemi attend l’attaque, mais qu’importe !
Le 3 septembre, à 9 heures, le 2e bataillon (commandant COQUET) pousse ses premiers éléments sur la route de Soissons-Béthune. A 16 heures, le 1er bataillon (bataillon GABRIEL), soutenu par une section de chars d’assaut, s’élance crânement à l’attaque du chemin creux situé à l’est de la cote 172, qui court parallèlement à la grande route de Soissons. C’est un nid de mitrailleuses qui se prête admirablement à la défense. Malgré les feux de mitrailleuses qui ballaient les plateaux, malgré le barrage d’artillerie, il réussit d’un seul élan à atteindre l’objectif, à s’y installer et à briser une violente contre-attaque ennemie. Il capture, au cours de cette attaque, 17 mitrailleuses. Mais ses pertes sont sévères : 22 tués dont un officier, le sous-lieutenant CAMPANA, frappé à mort à la tête de sa section, 80 blessés dont trois officiers. Pendant ce temps, le 2e bataillon s’est heurté à un barrage infranchissable de mitrailleuses. Il avait devant lui la partie la plus profonde et la mieux armée du chemin creux, les creutes organisées au nord de Clamecy les nids de mitrailleuse qui défendaient en avant les abords du village. Il n’avait aucun char d’assaut. Réduit à ses propres forces, il les multiplia en efforts constants. Ses tentatives répétées qui lui coûtent 4 tués et 23 blessés, demeurent infructueuses.
Mais le lendemain, à 4 heures 30, après une bonne préparation d’artillerie il parvient d’un seul élan au chemin creux et s’y fortifie. A 16 heures, l’offensive est reprise. Pied à pied, le terrain est âprement disputé. La progression est difficile et meurtrière. Les allemands se montrent actifs. Ils déroulent sans trêve leurs bandes de mitrailleuses et lancent des escadrilles d’avions qui bombardent les vagues d’assaut. Malgré tout, les deux bataillons atteignent à 16 heures la lisière ouest du bois de Torny. La zone de résistance organisée au nord de Clamecy tombe par la manœuvre, sous la menace d’un enveloppement par la gauche. L’affaire a été chaude (40 tués, 120 blessés). Il reste entre nos mains 117 prisonniers, un canon de 77, 18 mitrailleuses. Le terrible coût de boutoir asséné à l’ennemi allait porter ses fruits.
Délogé d’un point d’appui où il avait mission de tenir, constamment talonné par nos éléments avancés, le 5 septembre l’ennemi commence à battre en retraite. A 11 heures, la poursuite commence. Le 2e bataillon prend la tête et progresse, en direction de Margival. A 13 heures, il atteint, à travers un violent barrage ennemi, la vallée Margival-Montgarni ; sur la route, des centaines de cadavres de chevaux pourrissent au soleil, de nombreuses voitures gisent dans le fossé. Sans trêve, le commandant COQUET pousse en avant. A 17 heures, il est aux lisières est du bois de Laffaux. A 19 heures, il occupe Laffaux avec le 3e R.I.. Il pousse jusqu’aux lisières nord du village tandis que la 3e R.I. tient la lisière est. A 20 heures il est gravement blessé ainsi que son commandant de compagnie de mitrailleuses, le lieutenant HUBERT. L’adjudant de bataillon RIVOIRE est tué. Le 1er bataillon, qui suit en soutien, s’établit à 18 heures 30 sur la voie ferrée à l’est et au nord de Margival. Le 3e bataillon, jusque là en réserve, mais dont les compagnies successivement poussées suivaient de très près le mouvement, prêtes à l’appuyer, prend position sur les pentes du bois entre le plateau de Laffaux et la route Laffaux-Margival. Cette progression, effectuée dans un terrain accidenté, très difficile, succédant à deux journées de bataille très rudes a été extrêmement pénible pour les mitrailleurs et les servants du canon de 37 qui durent porter à dos, au cours de cette avance de 5 kilomètres, sous le feu ennemi, tout leur matériel. Mais il faut talonner sans trêve l’ennemi.
Le lendemain, 6 septembre, le 3e bataillon est chargé de mener une attaque brusquée, en liaison avec le 3e R.I., sur les nouvelles positions ennemies. A 15 heures, après une hâtive préparation d’artillerie, le bataillon se lance à l’assaut avec sa fougue coutumière, la 10e compagnie en tête, suivie par la 11e ; la 9e est en réserve. Sur ce billard du plateau de Laffaux, lacets inextricables de tranchées et de réseaux, nos vagues d’assaut sont fauchées par des rafales de mitrailleuses, invisibles dans les hautes herbes. Le capitaine MOLEUR tombe foudroyé d’une balle à la tête; les lieutenants GOUT, MALLET, VIAN sont blessés. Il ne reste plus qu’un officier par compagnie. Décimées, mais animées par l’ardeur des chefs qui restent, les 10e ,11e, et C.M. poussent en avant, brisent la résistance des détachements boches qui se battent avec courage et enlèvent les tranchées du Grappin (partie sud-est). Journée terrible pour le bataillon. En une demi-heure, il avait eu 4 officiers et 90 hommes hors de combat. La conquête définitive de la tranchée du Grappin, indispensable comme base de départ pour des opérations ultérieures, ne fut réalisée que le 9 septembre, après des combats locaux à la grenade extrêmement acharnés, menés par le 3e bataillon (capitaine ESCURSAN) et où se distinguèrent la 5e compagnie (lieutenant CESARI) et la 6e compagnie (lieutenant AGON).