Monsieur le chiffonnier vous fait dire qu’il sera ce jour sur la place de la mairie : Il achète tout à un bon prix ; ou vous l’échange contre de magnifiques lots de vaisselle. ! L’estamaïre est dans nos murs, place des tours. Vous le connaissez depuis longtemps, ce n’est pas un voleur et avec du vieux il fait du neuf !
Au début de la guerre de 14-18 les crieurs publics étaient écoutés avec grande attention, car ils avaient pour mission de publier à tous les carrefours le « communiqué » du soir qui donnait le compte-rendu officiel de la journée sur le front. Chacun avait un proche aux armées. L’encantaïre était donc écouté dans le plus profond silence, car malgré la censure très vive, le public pouvait savoir si la partie du front où se trouvait son soldat avait ou non subi une attaque. Les gens impatients venaient dés la sortie du crieur qui n’était plus obligé de faire sa tournée et se contentait de lire une fois le communiqué quotidien.
Parmi les souvenirs d’autrefois, certains refont surface quand la pensée remonte le temps. De ce passé lointain surgissent des images et des personnages oubliés. Dans les mairies il y avait des personnages polyvalents tour à tour appariteurs, gardes champêtres, et crieurs publics.
En 1904, Hippolyte Vialade est nommé appariteur et « Encantaïre » de Saissac ; il est logé à la Mairie où il occupe les pièces du fond, ses meubles sont encore au musée de Saissac, en particulier deux armoires. C’était un costaud, épauleux, grand, barbu et moustachu muni d’une femme Césarine, petite, menue, infinitésimale.
Emile Calvet faisait tout cela. Il faisait savoir à la population les communiqués communaux et préfectoraux, les passages des commerçants ambulants, Caïffa, poissonnier, estamaïre, parapléjaïre, cinématéjaïre, ramoneur; toujours accompagné d’un enfant et qui ne se faisait pas trop prier pour en chanter une, Bardou le pelharot de Montolieu, vêtu de sa blouse bleue ; passait aussi Millet le marchand des 4 saisons de Carlipa, les gitanas rempailleurs de chaises installés au pont de l’Orte. A tous les carrefours et sur toutes les places, muni du brassard, du képi et d’une aigrelette trompette ; il claironnait et tout le voisinage prévenu se groupait autour de lui. Alors d’un geste auguste et solennel il dépliait et tenait à bout de bras son « Avis à la population ! Tot lo monde es invitat a venir sur la plaça per ... et d’une voix avec assurance euphonique, il déclamait à la cantonade son message, souvent appris par cœur.
Ce petit homme trapu de la jambe et de l’œil, un œil poilu, sous son képi ou son béret mondial, une face lumineuse aux méplats marqués, avec de camuses couleurs sur une face parfaitement baptisée, autour d’un œil vierge, un homme touffu, tablé, grosse tête et cou fin, avec d’admirables yeux de myrrhe et le pas antique, un peu cavalier à terre. Emile Calvet était la bonté même, aimable avec tous, bienveillant avec les enfants. Il avait une santé de fer, il devait sortir par tous les temps, Eté comme Hiver. Partant de la place de la Mairie il montait jusque devant chez Daffos, le village alors se terminait chez Gastou le charron. Il redescendait et déclamait ses avis place de la poste, place aux herbes, place de l’église, au coin du « Barri d’Aut » puis montait vers les tours et redescendait à la mairie. Emile faisait usage d’une trompette, il soufflait de toute la force de ses poumons enfantant une mélodie, ressemblant au bredouillement de ceux qui commencent à apprendre à souffler dans un cor, il transmettait ainsi aux oreilles de la population tout ce que lui inspirait son tendre cœur et sa riche imagination.
En cas d’urgence ou d’absence, c’était sa petite fille qui le remplaçait, elle avait un succès énorme, toute la population disponible, jeunes et vieux l’accompagnait dans sa tournée.